Lors de mon passage au Cégep du Vieux Montréal, il s’agissait du fameux printemps 2012. À cette époque, je n’étais pas éveillée politiquement et je comprenais ce que j’avais envie de comprendre. Toutefois, c’est lors de cette grève que j’ai commencé à m’intéresser à la politique et, une chose en amenant une autre, au féminisme.
Cependant, avec le temps passé en ligne dans les cercles militants, j’ai fini par goûter à une formule amère que je n’apprécie guère (surtout en ligne). Le militantisme peut être par moment toxique dans ses méthodes ainsi que ses propos : il s’agit d’une notion que nous osons peu critiquer, en particulier si nous faisons partie dudit milieu. J’ai pu observer et participer également jusqu’à un certain point (mea-culpa) à une culture de démonisation de l’autre au moindre faux pas.
La culture des callouts ; le moment où ça tourne au classisme
Si par exemple les propos de quelqu’un sont problématiques, il est de mise de lui pointer et de lui faire remarquer afin que ce dernier puisse constater son erreur et évoluer. Cependant, lorsqu’il s’agit d’une méconnaissance qui n’est pas nécessairement de mauvaise foi (dépendant du contexte), peut-on exiger encore une certaine pureté chez l’autre? Nous ne sommes pas la science infuse incarnée ; s’éduquer demande du temps et de l’accès, ne l’oublions pas. La déconstruction en soi est un processus perpétuel et constant. Ce n’est pas une course où l’on atteint une ligne d’arrivée, c’est un marathon qui demande d’y aller à son rythme et surtout, de se respecter ainsi que les autres.
Je crois que c’est une réflexion que l’on doit être porté.e.s à avoir, car il peut relever du classisme d’exiger chez l’autre une connaissance absolue.
Je suis universitaire et je possède de bonnes bases en ce qui a trait au féminisme ainsi qu’en gender studies, et je suis relativement capable d’opérer mes recherches par mes propres moyens. Toutefois, ce ne sont pas toutes les classes qui ont accès à l’éducation et qui comprennent le vocabulaire et les concepts (quasi chirurgicaux) que demande ce milieu.
Aussi, Google ne peut pas être le berceau de toutes les informations ever. Plus précisément, je ne dis pas que ce n’est pas une source fiable, mais il reste un moteur de recherche. Ce n’est pas une discussion, une bibliothèque ou un échange. Il s’agit d’abord et avant tout d’une plateforme où l’on va s’abreuver des informations que l’on veut bien avoir. Si l’on ne sait pas bien s’en servir, ça peut rapidement être la cata. Donc je m’interroge, jusqu’à quel point Google peut-il être notre allié?
Quand les médias sociaux servent d’armes plutôt que d’outils dans un contexte politique
Aussi, il est important de comprendre qu’il ne s’agit pas de pointer le callout en soi comme étant un problème. C’est quelque chose de nécessaire qui nous permet d’évoluer, d’être un.e meilleur.e militant.e ainsi qu’un.e meilleur.e humain.e.
J’ai vu à plusieurs reprises dans les derniers mois des personnes qui usaient des callouts pour rabaisser quelqu’un. Ces dernières utiliseront n’importe quel sujet sensible qui se présente à eux pour callout une personne avec qui iels ressentent le besoin de régler des comptes ou bien comme excuse pour leur cracher leur venin au visage. Cette situation ne relève aucunement de la philosophie du militantisme, mais bien de la cyberintimidation ; lorsque le vaguebooking se transforme en callout et que l’on tag quelqu’un pour l’humilier et que l’on se met en gang pour que cette personne reste bien par terre sans aucune possibilité de s’expliquer ou d’entamer un dialogue, est-ce véritablement pertinent et éducatif comme moyen? Je crois que c’est une question rhétorique.
Il y a également la police Facebook qui est lourde par moment. Une personne va venir nous inbox ou nous callout parce que nous sommes ami.e. avec quelqu’un de problématique dans ses propos et que, puisque ce dernier fait partie de mes ami.e.s Facebook, nous endossons alors automatiquement ses propos. Nous ne sommes pas responsables du discours des autres et si quelqu’un.e se met les pieds dans les plats, ce n’est certainement pas de notre faute. Il n’est pas non plus de notre devoir de « l’éduquer » afin de le rendre dans le droit chemin à tout bout de champ non plus. (Évidemment, cela dépend du contexte). Des chasses aux sorcière sont faites à n’en plus finir ; on remonte dans les anciennes photos de profil afin de trouver le moindre truc louche, on scroll down tout le news feed pour trouver un détail de ladite personne que l’on n’apprécie pas et tenir enfin l’occasion de l’exposer à notre avantage. À ce moment-là, est-ce encore de la politique? C’est plutôt des enfantillages qui peuvent devenir dangereux.
Le favoritisme : une notion trop souvent oubliée
Nous avons tendance à faire du favoritisme. Ce que je tente de souligner, c’est que dans le mouvement, nous avons toujours des personnes qui se démarqueront du lot par leur charisme et vers qui l’on va se tourner immédiatement pour s’éduquer et dont les propos viendront nous rejoindre. Of course. Sauf que chez certain.e.s, lorsque l’on remarquera un comportement problématique, au lieu de callout ce qu’on vient de dénoter, nous allons jouer à l’autruche. Cet aveuglement volontaire se fait pour plusieurs raisons : 1. Parce qu’on a peur des représailles dans certains cas face à la popularité de ladite personne et que par conséquent, notre réputation soit entachée 2. Parce que l’individu est en quelque sorte vénéré, donc il est impossible de lui dire un quelconque reproche sous peine de se faire jeter aux lions par ses fans 3. Dans certains cas plus graves, en raison du bullying, c’est-à-dire des inbox où se déroule du harcèlement, du gaslighting et surtout, faire sentir à l’autre qu’on surveille ses moindres faits et gestes.
Croyez-moi, j’ai été témoin de comportements toxiques comme ceux-ci, j’y ai même participé pendant un temps avant de réaliser mes propres problématiques et pris un bon recul des médias sociaux. Je ne me considère pas comme une meilleure personne pour autant, mais plus mature et plus indépendante suite à cette expérience néfaste qui m’a plongée dans un état perpétuel d’anxiété pendant plusieurs mois. Le milieu a surtout besoin de s’autocritiquer davantage, puisqu’il s’agit d’une notion primordiale lorsque l’on est activiste : les remises en questions seront constantes après tout.