Il m’arrive souvent de faire un sac de linge à donner, me disant que quelqu’un sera bien content de pouvoir porter les vêtements qui ne me plaisent plus. J’imagine que plusieurs d’entre vous aussi le font et jusqu’à tout récemment, je n’avais pas réalisé l’impact de ces vêtements usagés sur l’économie mondiale. Ce qui se passe, c’est que nous, les Québécois, nous avons trop de vêtements usagés pour la demande. Nos vêtements, donnés aux moins nantis au départ, sont donc vendus dans des containers aux pays du Sud.
Ces vêtements, une fois arrivés dans les pays du Sud, se retrouvent dans les marchés. Ils sont vendus pour des prix dérisoires aux locaux et aux touristes. Jusque-là, ça va. Les vêtements ont une seconde vie et des personnes au revenu un peu moins grand peuvent se vêtir à prix abordable.
Par contre, le problème, c’est que l’industrie locale du vêtement dans ces pays en souffre énormément. Je plaide coupable, j’ai coopéré à cette situation la semaine dernière. Pour vous mettre en contexte, je suis en Bolivie, et ici, il fait environ 10 degrés Celsius. J’avais froid et je devais m’acheter un manteau. J’ai visité quelques boutiques de vêtements locaux aux abords des marchés pour m’étonner du prix (environ 40 $ CAD pour un manteau d’hiver, entendons-nous, ce n’est rien!). J’ai donc parcouru les marchés pour retrouver un manteau avec un col de fourrure pour 18 $ CAD suivi d’un manteau d’hiver en plumes pour 8 $ CAD. Finalement, une paire de jeans de marque pour 4 $ CAD. Plein d’aubaines quoi! C’est ce que je me disais sur le coup.
Puis, rentrée à la maison, j’ai poussé ma réflexion plus loin. J’ai réalisé à quel point ces marchés et ces vêtements « américains » tant admirés par les Boliviens nuisent à l’économie locale. Ici, aucune conscience du coût de fabrication ni de l’importance de préserver l’économie. Non seulement les consommateurs ne réalisent pas l’impact de leur achat, les producteurs vendent à perte leurs produits pour venir à bout de cette concurrence déloyale. En effet, je me suis récemment procuré un bracelet artisanal à 2 $ CAD. J’étais mal à l’aise de remettre si peu à l’artisan bien que c’était le prix demandé. J’aurais aimé m’asseoir avec celui-ci et lui expliquer qu’il devait considérer la matière première et ses heures de travail dans son prix de vente (ça fait d’ailleurs partie de mon mandat ici, mais je ne peux faire cela avec tous les artisans des marchés en plus de le faire au bureau).
Ma réflexion s’est poursuivie à savoir qu’est-ce que nous, Canadiens, pouvons faire pour éviter que nos gestes nobles nuisent aux autres pays. Il y a plusieurs pistes de solutions, notamment consommer moins et mieux. Réduire la consommation à la base permettra de mieux gérer les stocks de vêtements usagés. Puis, privilégier donner nos vêtements usagés aux amis, à la famille ou sur des sites d’échange. Vérifier également que les organismes auxquels nous allons porter nos vêtements ou nos articles les redistribuent localement. Finalement, visiter les friperies et autres bazars de seconde main pour donner une deuxième vie à ces vêtements avant qu’ils n’atterrissent au sud, libérer de l’espace sur les tablettes pour assurer un roulement adéquat et ainsi éviter un achat de vêtements neufs. Ce ne sont ici que quelques pistes de solutions, mais c’est chacun en faisant notre part que nous pourrons arriver à quelque chose.