Février 2014. Il était environ midi. Ma tante me réveille doucement, elle et ma mère partaient pour un rendez-vous chez le médecin. Le docteur avait demandé que ma mère soit accompagnée. Elle ne m'avait pas mise au courant, mais nous savions toutes ce que cela voulait dire.
Un cancer du sein. « Bon matin », comme dirait l'autre. Tout ça à peine un an après que mon père soit parti avec ses cliques et ses claques. À ce moment, je restais encore chez ma mère avec ma sœur. Je suis devenue son bras droit, son garde-fou et surtout sa garde malade. J'allais avec elle à tous ses rendez-vous médicaux. Nous posions des questions et je jappais jusqu'à ce que tout soit clair comme de l'eau de roche. Tout s'est enchaîné de façon si naturelle que je ne sais pas comment j'ai fait pour me retrouver dans l'œil du cyclone.
La fréquence des traitements a augmenté, nous obligeant à faire deux heures de route tous les matins. Le problème n'était pas la distance ni même le poids de la maladie, mais bien que j'étais devenue une proche aidante sans avoir adapté mon rythme de vie à cette nouvelle réalité. Je travaillais à temps plein en tant que paramédic en plus de m'occuper quotidiennement de ma mère. À la fin, ma patience avait complètement disparu, car je m'étais oubliée. Je ne m'entraînais plus, je ne voyais plus mes amis et surtout je dormais à coup de siestes. J'avais une humeur exécrable. Je n'étais plus une oreille attentive pour ma mère malade, car j'avais moi-même besoin de m'épancher auprès de quelqu'un.
Ça a pris presque un an avant que je relâche les reines. C'est ma mère qui est arrivée avec cette idée de maison de repos. La Maison Jacques-Cantin m'a assurément évité de péter au frette. Ma maman pouvait y passer quelques jours et partager des moments avec des gens qui vivaient la même épreuve qu'elle pendant que je me reposais. J'ai eu beaucoup de mal à accepter de passer le flambeau. C'était un peu comme si je la laissais tomber alors que c'était tout le contraire.
Finalement, le mauvais temps est passé et je suis ressortie de cette expérience profondément fatiguée. Je n'avais pas suivi tous les judicieux conseils qu'on donnait aux personnes qui se retrouvent dans une situation d'aidant.e, je ne voyais que toute l'énergie déployée autour de ma mère. J'avais oublié que j'étais un facteur essentiel de sa guérison, et j'ai réalisé que tout ce qu’on conseillait de faire aux malades s’appliquait aussi aux aidant.e.s (bien manger, méditer, faire de l'exercice, avoir une routine).
Ce que m’a appris cette expérience, c'est qu’il n’y a rien de mal à se mettre sur pause. Que sont trois mois, six mois ou un an dans toute une vie? Il faut prendre le temps de vivre les choses, peu importe que ce soit la maladie, un deuil, un grand changement, un échec, etc. Dans les moments difficiles, ne faites pas comme moi et prenez soin de votre santé mentale et physique. Ne fermez pas les yeux en faisant comme si tout allait bien. On a tou.te.s le droit de ralentir le rythme et de vivre les choses entièrement, de les digérer pour en avori moins sur le cœur par la suite.
En passant, c’est toujours le Mois de la jonquille de la Société canadienne du cancer. Si les fleurs mettent de la bonne humeur dans une journée, elles financent aussi en partie les maisons de repos.