Ce lundi 20 mars, la Terre a dû s'arrêter de tourner pour permettre à Éric Duhaime de nous annoncer sur les ondes de FM93 qu'il est gai, mais qu'il n'avait jusqu'à maintenant jamais ressenti le besoin d'en faire l'annonce officielle.
Si j'ai pu croire, au moins une seconde, que cette annonce signifierait un changement important dans le paysage radiophonique québécois, j'ai dû ravaler mon vomi en voyant qu'il n'avait annoncé au public son homosexualité que pour mieux s'en dissocier.
Beaucoup de gens pensent, comme Éric, que la communauté LGBTQ souffre davantage des étiquettes dont elle se réclame que de la violence qu'elle dénonce. Pourquoi faire une distinction entre les gais, les lesbiennes, les bis, les personnes trans, les personnes queers? Selon eux, se réclamer d'appartenir à une communauté marginalisée, n'est-ce pas de la victimisation? NE SOMMES-NOUS PAS TOUS HUMAINS?
Of course que c'est ça, le but. Mais des gens se font encore battre, violer, harceler, ou assassiner à cause de ces identités. Humains d'abord, égaux plus tard, I guess.
Pis Éric, elle est où son oppression?
La notion de privilège existe même au sein des communautés marginalisées. C'est ce qui fait qu'un animateur de radio peut dire que le Québec est « la société la plus tolérante au monde à l'égard des minorités ». C'est ce qui fait qu'Éric peut se vanter d'embrasser son chum en public, mais que deux hommes se font tabasser dans Hochelaga pour les mêmes raisons. C'est ce qui permet à Éric de chanter qu'être gai y'a rien là, même pas un an après la boucherie d'Orlando.
Au Canada, 33 % des jeunes LGB ont fait une tentative de suicide. Ces chiffres montent à 47 % pour les jeunes trans. Chez les jeunes cis hétéros, c'est 7 %. Y'a rien de normal là-dedans.
Éric est chanceux. Il a le privilège de rester indifférent aux violences faites envers la communauté LGBTQ, parce qu'elles ne le concernent pas. Il a le privilège de cracher sur une communauté qui s'est battue pour qu'il puisse faire son coming-out comme s'il avait lâché un pet. Il a le privilège de le faire à la radio, qui plus est, sans risquer de perdre son contrat, ou de craindre pour sa vie.
Mon identité n'est pas marquée de toutes les intersections possibles au sein de la communauté LGBTQ, mais je n'ai pas besoin de les vivre pour savoir que ces violences existent, même si elles ne me sont pas dirigées.
La vérité, c'est que même si Éric ridiculise les oppressions vécues par la communauté LGBTQ, il a profité et profitera encore des luttes menées par ces personnes qui n'ont pas le luxe de dire « ouain, pis? ».
Cette illusion de l'égalité, qui fait dire à certains que l'homophobie n'existe plus, c'est celle qui promettait que les droits des hommes blancs gais feraient avancer aussi les droits des membres les moins fortunés de cette communauté. Que l'égalité finirait par ruisseler jusqu'en bas. Et maintenant qu'une poignée d'hommes gais sont capables d'occuper des postes importants, de se marier, de s'aimer en public, il faudrait accepter les miettes d'égalité qu'ils ont daigné laisser?
Très peu pour moi. J'te veux pas dans mon équipe, Éric.