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La Marche des femmes, le racisme, pis le gaslighting
Crédit: Spenser Charles/Unsplash

Le 21 janvier dernier, la Marche des femmes a envahi le monde afin de protester contre l'entrée en fonction de Donald Trump, cette croûte de marmelade desséchée qui fait office de Président des États-Unis.

Des millions de personnes se sont réunies afin de dénoncer les paroles misogynes de cet important craquelin, mais aussi dans le but de mobiliser les foules et se battre pour préserver les droits des femmes.

C'est nice. SAUF QUE.

Entre les gugusses féministes, les tuques, les pancartes, pis les slogans essentialisant les femmes comme des vagins, des utérus, des vulves, tous plus roses les uns que les autres, ben y'avait un cas très grave de ce qui s'appelle le White Feminism.

Pourtant, personne n'ignore qu'une majorité de femmes blanches ont voté pour le cheeto. Et que même si Hillary Clinton avait à son actif une pléthore de citations racistes, les femmes noires ont voté pour elle à plus de 94 %. Mettons qu'avec ces statistiques, j'aurais espéré que les personnes blanches portent de très petites culottes lors de cette journée importante.

Beaucoup de gens ont aussi accusé les personnes racisées de vouloir diviser le débat lorsqu'elles critiquaient le féminisme bonbon qui se faisait aller la tuque pendant cette marche. Ce que beaucoup de militant.e.s appellent pourtant à dénoncer, c'est que le statu quo d'un féminisme blanc et non-inclusif perpétue des violences envers les personnes de couleur au profit des femmes blanches.

GENRE, COMME CECI.

Le droit à la contraception, par exemple, a été défendu par Margaret Sanger, la fondatrice de Planned Parenthood, comme un moyen d'assurer un eugénisme blanc aux États-Unis. Les premiers cobayes de la pilule contraceptive étaient des femmes portoricaines analphabètes et ne parlant, pour la plupart, aucun mot d'anglais. Et les suffragettes américaines ont revendiqué leur droit de vote sous prétexte que leurs voix avaient quand même une plus grande valeur que celles des Noirs.

Mettons qu'en lisant entre les grandes lignes de l'Histoire, le féminisme américain a une fâcheuse tendance à faire un gros finger aux communautés marginalisées. C'est d'autant plus ironique lorsque les féministes blanches accusent les personnes racisées de diviser le mouvement, quand le refus de soutenir les mouvements féministes intersectionnels a presque toujours contribué à invisibiliser ou à violenter davantage les personnes de couleur.

MAIS BRAVO, Y'A EU AUCUNE ARRESTATION!

Comme l'indique ce sous-titre ironique, nombreux sont celleux qui ont vanté l'absence d'arrestations lors de la marche. S'il est vrai que les rassemblements se sont déroulés de manière pacifique, ce serait de la grosse méchante mauvaise foi de prétendre que le fait d'être pacifique est la seule variante au fait de se faire arrêter dans une manifestation. J'veux dire, avez-vous suivi les rassemblements Black Lives Matter? Pis la saga (non achevée) du mouvement No DAPL?

Au Québec, les jeunes Noirs sont 4,2 fois plus susceptibles de se faire interpeler par la police. Et en 2015, 26% des homicides commis par les forces de l'ordre impliquaient des Noirs, alors qu'ils ne représentent que 12.3% de la population américaine.  Une autre statistique troublante : les personnes transgenres racisées sont jusqu'à six fois plus susceptibles d'être violentées physiquement par la police que les personnes blanches cisgenres.

Vous savez ce que veut dire, le mot « gaslighting »?

C'est une forme d'abus psychologique, où l'oppresseur tend à nier ou à faire douter la victime de sa perception, afin de lui faire perdre sa crédibilité ou la légitimité de ses émotions.

Quand les personnes blanches nient l'existence de la violence policière envers les personnes racisées sous prétexte que leur expérience n'est pas la même avec les forces de l'ordre, c'est du gaslighting. Pis ça renforce aussi l'idée selon laquelle les Noirs qui se font brutaliser par la police reçoivent le traitement qu'ils ou elles méritent.

Got it? Got it.

Ce que je souhaite des rassemblements féministes à venir, c'est qu'ils soient grandioses, et féroces, et agressivement inclusifs. Je souhaite que chaque personne qui prétend marcher pour ses sœurs reconsidère sa place dans ces espaces encore hostiles envers les personnes racisées. Le féminisme dont je récolte encore les privilèges aujourd'hui a souvent tracé ses victoires dans la violence et le racisme. Et si les livres d'Histoire ne racontent pas la même version, alors c'est notre devoir d'assurer une relève féministe inclusive et critique d'elle-même.

Ça suffit, la violence, esti.

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