Ça fait bientôt trois ans que j'ai terminé mon DEC en Création Littéraire et, depuis trois ans, je fais tout sauf vivre une vie de poète, job alimentaire oblige. Même si je suis en paix avec le fait de ne pas aller à l'université comme presque tous mes amis, j'ai remarqué, au fil des années, une tendance plutôt dégueulasse à mépriser les gens qui travaillent au service à la clientèle ou dans la restauration de masse.
À cela – vous vous en doutez – j'ai beaucoup de choses à répondre…
« Y'ont juste à aller à l'école! »
Cette idée répandue selon laquelle les études sont l'ultime porte d'entrée vers la richesse et la joie de vivre est très troublante. D'abord, il suffit de passer deux minutes avec une personne en fin de session à l'université pour constater que la joie de vivre est allée se cacher bien profond dans leur cul.
Et puis, les études, ça coûte aussi très cher. Voici une liste des privilèges qui font qu'une personne peut avoir la chance de se ramasser à l'université :
- Se faire payer ses frais de scolarité par ses parents;
- Avoir de l'argent de côté;
- Ne pas avoir à payer de loyer pendant ses études;
- Avoir droit à des prêts et bourses;
- Avoir son secondaire;
- Être accepté.e à l'université
And so on. Même une fois ces conditions gagnantes réunies, personne ne peut nier que l'école est un environnement qui ne convient pas à tout le monde, et que beaucoup de choses peuvent faire en sorte qu'une personne soit physiquement incapable de se présenter à ses cours. L'anxiété, la dépression, des événements de vie stressants ou traumatisants… donc, non, l'école n'est pas cette solution bouche-trou qui sauve absolument tout le monde.
« Y s'aident vraiment pas »
J'ai beaucoup de misère avec les gens qui tartinent tout le monde de « si tu veux, tu peux ». Suffit d'un cours de sociologie pour comprendre que la réussite, sauf pour de rares exceptions (allô, Céline Dion!) n'est pas conditionnelle à la volonté des gens. Nos rêves et nos aspirations sont souvent modelées en réaction à notre milieu social, d'où l'importance du débat sur la représentation ethnique, sexuelle et politique dans les médias.
La réussite est aussi un concept excessivement changeant et subjectif. Je remarque d'ailleurs souvent que ce que certaines personnes considèrent comme un échec de vie trahit, en fait, leurs propres insécurités ou leurs propres valeurs, que ce soit l'argent, le confort ou la beauté des choses matérielles.
« Y'ont rien fait pour mériter mon respect »
Le respect, contrairement à la croyance populaire, n'est pas quelque chose qui se gagne ou qui est conditionnel au poids d'un CV. C'est un droit humain de base. Tout comme le racisme, le sexisme ou l'âgisme, l'exclusion d'une personne étant donné son milieu social, son background ou son travail s'appelle du classisme, et c'est aussi important à dénoncer.
Le système dans lequel on vit valorise certaines passions et en dévalorise d'autres. Les gens qui ont la chance d'avoir une passion qui leur rapporte de l'argent sont – justement – fucking chanceux. Ça ne veut toutefois pas dire qu'un travail est moins « noble » parce qu'il n'est pas le fruit d'une passion ou d'une certaine hype. Absolument personne n'est en droit de décider si un emploi est « bon » ou « mauvais », à moins que celui-ci soit illégal (pis encore… ne parlons même pas de prostitution).
« Leur job est facile »
Si une personne a été suffisamment chanceuse dans la vie pour ne jamais avoir eu à flipper des burgers, j'ose espérer qu'elle remercie le ciel pis sa mère chaque jour avant d'aller se coucher. Les emplois les plus exigeants physiquement, mais aussi les plus instables et les moins bien payés sont ceux qui, souvent, n'exigent aucun diplôme d'études postsecondaires.
N'importe quelle personne ayant travaillé au service à la clientèle ou dans la restauration de masse sait que ce sont des emplois difficiles et éreintants. Plus que tout le reste, la stigmatisation et l'exclusion ressentie dans ces emplois fait très mal et finit par être intériorisée par les gens qui y travaillent.
C'est pas du tough love si ta job te fait sentir comme si tu valais même pas d'être traité comme un humain.
J'espère que ce billet servira toute personne ayant vécu de la discrimination ou de la dévalorisation due à son emploi, afin de vous rappeler que la honte est vraiment du mauvais bord. J'espère aussi que vous aurez tous et toutes le courage de vous opposer aux jugements faciles et classistes de votre entourage pour qu'enfin, on puisse vivre dans une société qui dirige ses coups et son mépris vers les bonnes personnes.
Avez-vous déjà entendu des discours méprisants sur les jobs alimentaires et ceux qui les occupent?