Je souffre depuis mon enfance d’un schéma d’abandon. Vivre avec ça, c’est un peu comme entamer chaque relation par le mauvais bout; la fin. Je suis persuadée que tous ceux qui sont importants pour moi m’abandonneront parce que je ne suis pas assez bien pour eux. Je perçois chaque moment de distance ou de silence comme un signe d’un abandon prochain et j’angoisse à l’idée que ceux que j’aime me quittent spontanément.
J’ai longtemps cru que je manquais simplement de confiance en moi et que j’étais dépendante affective. Que je devais apprendre à m’aimer et me faire confiance pour que tout se règle magiquement dans mes relations et pourtant!
Je suis une femme indépendante qui faiblit à la moindre relation amoureuse. J’ai tellement peur du rejet que je fais des pieds et des mains pour que l’autre m’accepte. J’en oublie de prendre soin de moi et d’écouter mes besoins. Chaque fois que je sens la fin d’une relation approcher, que je sens l’autre s’éloigner, je suis prise de crises d’angoisse à répétition. À l’idée que l’autre ait le contrôle sur moi à ce point et qu’il puisse décider de m’abandonner, je panique. Il m’arrive même de mettre fin à une relation pour éviter d’être abandonnée. J’agis avant l’autre.
C’est après plusieurs années de thérapie qu’une psychologue a finalement mis le doigt sur la blessure. Avec elle, j’ai revécu mon enfance que je croyais avoir été belle. Elle a rapidement réalisé que je ne me souvenais de rien de mon enfance, j’avais tout oublié parce que j’y trouvais trop de souffrance. Mes parents, croyant bien faire, ont passé mon enfance à s’impliquer auprès de l’école de danse, des scouts ou des équipes de sport. Et moi, du haut de mes 5 ans, je n’ai jamais compris qu’ils le faisaient pour moi. Tout ce que je voyais, c’était maman et papa qui quittaient la maison tous les soirs. Et je pleurais beaucoup, semble-t-il. Je revis, à chaque signe d’abandon, ces soirs d’enfance et la douleur associée à ceux-ci.
Cette même psychologue m’a beaucoup aidé à gérer la situation. D’abord, en me faisant réaliser que je choisissais naturellement des hommes avec qui les relations ne pouvaient pas fonctionner. C’était plus facile pour moi d’avoir déjà une excuse pour que ça termine… Ensuite, en me montrant à quel point il est important de rationaliser la situation. Ma première réaction est (toujours) la panique et la perception que l’autre souhaite m’abandonner. Elle m’a appris à me poser plus de questions, à mettre sur la table toutes les options possibles afin de réaliser que l’autre a une meilleure raison d’agir de la sorte, pas seulement l’intention de m’abandonner.
Je suis encore en période d’adaptation face à la situation. Les autres ressentent de moins en moins mon angoisse face à l’abandon. J’arrive à me calmer seule (ou avec l’aide d’amis proches) et à reprendre le dessus avant de réagir. J’ai développé quelques trucs pour m’assurer que l’autre est sur la même longueur d’onde et qu’il n’a pas envie de m’abandonner. Par contre, pour éliminer complètement un schéma d’abandon, il faut arriver à guérir de ses blessures, pardonner à ceux qui nous ont blessés pour réellement passer à autre chose. Pour moi, c’est encore en processus…