J’ai un parent qui souffre de troubles bipolaires. Du plus loin que je me souvienne, cette maladie a toujours fait partie de sa vie et, par procuration, de la mienne et de celle de mon autre parent.
Les crises de larmes et les accès de rage et d’anxiété ont ponctué mon enfance et mon adolescence, généralement suivis de plus ou moins longues périodes d’accalmie. Petite, les phases dépressives de mon parent me tétanisaient. J’absorbais sans le vouloir toute sa peine et son angoisse et j’en venais souvent à m’en vouloir : n’est-ce pas le travail d’un enfant de rendre son parent heureux?
En vieillissant, mon rapport à la maladie de mon parent a changé. Je me suis forgé une carapace et je ne laisse plus les pleurs et les colères m'affecter.
Néanmoins, je vis en sachant que le trouble dont souffre mon parent peut être héréditaire. Je sais que cette maladie que j’ai en horreur peut m’attendre au détour et compliquer la vie que je suis en train de me construire. Et je ne cacherai pas que ça me fait peur.
Je sais mieux que quiconque à quel point un trouble comme celui-là peut détruire une carrière, une vie de couple, des amitiés et rendre difficile la relation parent-enfant. C’est la dernière chose que je me souhaite.
Mais, parce que cette peur est toujours là, tapie dans un coin de mon cerveau, je m’efforce tous les jours de prendre extrêmement soin de ma santé physique et mentale. Je suis à l’écoute de mon corps et de mes humeurs et je fais régulièrement des bilans de ce qui va bien dans ma vie et des choses que je dois améliorer. C'est ma façon de tirer du positif de la maladie de mon parent.
Peut-être que la maladie de mon parent ne s’infiltrera jamais dans ma tête et dans mon corps. Peut-être que, comme ça semble être le cas pour le moment, je retiens davantage de mon autre parent. Pour le moment, je suis heureuse, épanouie, bien entourée et j'ai une belle joie de vivre. Et parce que je sais très bien que rien n’est acquis, je savoure et profite pleinement de cette période de bonheur.
Reste qu'il n’est pas impossible que la bipolarité m’atteigne à mon tour au cours de ma vie; je n'ai aucun contrôle sur ça. Si jamais ça m'arrive, à tout le moins, j’aurai appris à prendre soin de moi et à apprécier à leur juste valeur les moments heureux.
Arrivez-vous à tirer du positif des situations difficiles?