Mon rapport avec le voile a beaucoup évolué avec le temps. Enfant, le porter n’était qu’un jeu. À l’aube de ma jeune vie d’adulte, pleine d’amertume et d’un désir brûlant de liberté, j’étais prête à mener un combat contre un bout de tissu qui signifiait pour moi l’échec, mais illustrait aussi ma totale incompréhension de moi-même et des autres.
Aujourd’hui, j'ai changé mon fusil d'épaule. Sauf que pour y arriver, il a fallu que je mette ma peur de côté. Ma colère aussi. Une colère non justifiée, mais qui était très présente, et ce, bien malgré moi. Éteindre ce volcan a été une longue bataille contre moi-même.
Le voile, je l’ai eu au travers de la gorge très longtemps. Je l'avoue, ces femmes voilées, je les ai jugées moi aussi. Plus d'une fois même. Le jugement était réciproque. Les gens de ma communauté me reniaient et moi, je les boudais. Une belle relation saine, qui me grugeait de l’intérieur.
D'un côté, je n'étais pas québécoise, de l'autre, je n'étais pas musulmane. Ce hijab était devenu le symbole de ma dualité identitaire. J’en voulais à un foulard. Je le blâmais pour tout et rien. Ce n'est que tout récemment que j'ai compris qu'il y avait quelque chose de brisé en moi. Et que j’étais l’unique responsable. À trop vouloir partir au combat, je me suis perdue. À trop vouloir me rebeller, je me suis retrouvée seule sur la ligne de front avec ce même vertige, ce même sentiment de solitude et de vide que je traînais comme un boulet.
Aujourd'hui, j'ai enterré la hache de guerre. J'ai réussi ce tour de force en canalisant ma rage et ma confusion par écrit. En ouvrant mon esprit. En lisant. En parlant. En m’armant de la bonne façon. Je suis encore perdue des fois, blame it on mon sens de l’orientation qui n’est pas tant aiguisé, mais contrairement à la Sonia d’avant, j’ai maintenant une petite carte pour me guider. Je ne suis plus en colère. J’apprends à me comprendre à travers mes yeux, mais ceux aussi de ma communauté, dans les bons comme dans les pires moments. La guerre, la tolérance, la joie, la foi, la spiritualité, le désert, le couscous, le henné, alouette, c’est mon héritage culturel et ce n’est pas en le mettant de côté que je vais réussir à devenir l’humaine que j’ai envie d’être.
Quand je vous dis qu'il ne suffit que de tendre la main à autrui, je ne vous mens pas. C'est vrai et j'en suis la preuve. Je ne suis pas mieux que personne. J'ai juste décidé de laisser une chance à ces femmes de montrer leur beauté cachée sous leur voile. D’apprendre à les connaître pour mieux me cerner, mais aussi cerner le monde qui m’entoure.
Alors qu’attendez-vous? À votre tour maintenant!