Osez le féminisme! est au cœur d’une polémique depuis quelques semaines. En fait, l’association française est accusée d’ignorer les minorités et de prôner un féminisme dit « blanc » et bourgeois.
La femme « libre »
Le hijab est à la base du débat opposant l'association et les minorités féministes. Est-il un symbole d’aliénation de la femme ou au contraire reflète-t-il ce libre choix dont on entend souvent parler? Pour répondre à une telle question, il faudrait s’entendre sur la définition d’une « femme libre ». Définition qui semble difficile à trouver, tant elle diffère d'une communauté à l'autre.
Donc, d’un côté on infantilise les musulmanes et, de l’autre, on tente de prouver qu’elles ne sont pas à la merci d’un simple bout de tissu. Rokhaya Diallo, activiste et le cerveau derrière Les Indivisibles, maintient qu’il serait temps de cesser de juger la manière dont les femmes se vêtissent : « On n'a pas à dire quelle façon de s’habiller est féministe ou ne l’est pas. » Selon les militantes du groupe lyonnais et Hanane Karimi, porte-parole du collectif Les Femmes dans la Mosquée, Osez le féminisme! encouragerait l’islamophobie et le racisme en France par ses positions et ses opinions arrêtées.
Caroline de Haas, la fondatrice de l’association, aurait déjà déclaré que le voile était un symbole patriarcal oppressant la femme musulmane : « La société patriarcale a utilisé le voile pour marquer les femmes, les inférioriser et les laisser à l’écart, et pire, elle a parfois réussi à les convaincre qu’elles le faisaient de leur plein gré. » Le discours prôné par l'OLF serait, d'après la communauté musulmane, réducteur et illustrerait de manière éloquente l'ignorance dont fait preuve l'association, mais aussi une grande partie des gens à travers le monde.
Rokhaya Diallo
Crédit : slateafrique.com
Il y a quelques semaines, j’ai abordé la question du féminisme musulman dans le but de démentir ce genre d’affirmation. Je trouve important d’expliquer que le voile n’est pas un frein à l’émancipation de la femme et qu’au contraire il les accompagne dans leur cheminement spirituel et personnel. J'ai présenté quelques musulmanes, connues ou pas, qui, je crois, démontrent très bien qu'il est possible d'être à la fois voilée et féministe.
Afro-féminisme : double combat
Les musulmanes ne sont pas les seules à dénoncer ce féminisme « blanc ». Les femmes noires le rejettent elles aussi, préférant bâtir un mouvement à leur image. L’Afro-féminisme ou le black feminism est né aux États-Unis dans les années 60 et 70. Les femmes noires féministes luttaient contre l’oppression ressentie liée à la fois à leur sexe et à la couleur de leur peau. Angela Davis, militante reconnue et admirée de tous, a été l’une des premières femmes à soulever la problématique de l’intersectionalité. Il faut comprendre que les combats sociaux et culturels ne sont pas les mêmes pour les femmes blanches et les femmes noires. Les femme noires sont sujettes aux pressions sociales et aux diktats de beauté occidentaux ainsi qu’aux inégalités. Elles tentent à la fois d’exister dans la sphère médiatique, publique et d’accepter leur corps tel qu’il est sans avoir recours à des procédés radicaux pour altérer leur apparence physique. L’afro-féminisme est là pour combler les failles du mouvement féministe « classique » et offrir une vitrine à ces femmes qui se sentent exclues.
Crédit : socialjustice.ccnmtl.columbia.edu
Que se soit du côté des musulmanes ou de la communauté noire, le féminisme pluriel est là pour une raison : témoigner d'une réalité qui est étrangère pour plusieurs. Déjà Angela Davis tentait dans les années 1970 de mettre en lumière cette réalité : « Les féministes blanches se souciaient des enjeux autour de la légalisation de l'IVG […] alors que les femmes noires américaines étaient victimes d'un programme de stérilisation contrainte à cause de ce que les racistes considéraient comme un risque de "dégénération raciale". » Les femmes issues des minorités estiment qu'elles sont les seules à pouvoir témoigner de ces injustices et militer contre elles.
Au Québec
Qu'en est-il au Québec? Nous sommes loin du tollé qui sévit de l'autre côté de l'océan et plus loin encore de leur contexte sociopolitique. Par contre, nous avons eu notre lot de petits raz-de-marée. Je pense entre autres aux sorties contre Léa Clermont-Dion, qui pour certaines représenteraient à la perfection ce concept de féminisme « blanc ». Je pense aussi aux déclarations de Janette Bertrand, aux accusations et insultes vociférées à l'égard de Dalila Awada, etc.
Honnêtement, je suis plus pour un féminisme universel qu'un mouvement fragmenté. Par contre, je suis consciente que la route est longue avant d'arriver à un manifeste qui plaira à tous et toutes. Néanmoins, il est intéressant d'entendre ces différentes voix, qui malgré tout ont un point commun : l'égalité pour tous.
Croyez-vous à un féminisme universel?