Tenter de trouver l’équilibre entre l’orthorexie et la bigorexie, mes maladies « santé », partie 1.
Catherine LétourneauDepuis que je suis partie de chez mes parents, j'ai une dynamique spéciale avec mon apparence.
Ça a commencé à m'obséder quand je vivais une relation amoureuse conflictuelle. Je voulais à tout prix perdre du poids. Puis, ce gars et moi, on s'est séparés. Je me suis mise à sortir souvent, à manger au resto tout le temps et j'ai repris les livres perdues. Je vous raconte ça parce que c'est comme ça que j'ai commencé à vivre des montagnes russes.
Je ne me rendais pas compte que je commençais à avoir un problème. Un moment j'étais ultrasévère avec moi-même et l'autre, je n'en pouvais plus alors je faisais tout valser.
Crédit : Roller Coaster Tycoon
Donc, ça s'est poursuivi. J'ai rencontré un gars génial. Ça m'a donné le goût d'être une meilleure version de moi-même. Je voulais faire plus attention à moi et redevenir en shape. J'ai décidé d'entreprendre un programme d'entraînement et d'alimentation pour les modèles de culturisme. Je vous dis, quand je fais quelque chose, je ne le fais pas à moitié. Entraînements rigoureux à 6 h du matin, 6 fois par semaine, planification des repas et des collations selon certaines règles et suppléments pour être bien certaine de ne pas perdre chaque muscle durement gagné.
Évidemment, mon corps s'est transformé et j'aimais ça. L'univers des modèles de culturisme étant ce qu'il est, je suis devenue de plus en plus obsédée. Je scrutais chaque coin de mon anatomie chaque jour. J'ai modifié mon style de vie pour être certaine qu'il n'interfère pas avec ma transformation : je ne sortais plus parce que je ne voulais pas boire (calories inutiles), je ne voulais pas me coucher tard (je m'en serais beaucoup trop voulu de manquer un entraînement) et pas de restaurant, car tout aliment transformé devenait de plus en plus le démon pour moi.
Je m’étais fait une bulle qui était centrée sur ma transformation physique. Je n’étais jamais assez en forme. Ce qui est drôle #LolPasLol, c'est que je m'étais convaincue que je faisais tout ça au nom d'une meilleure santé. Gagner plus de masse maigre, réduire mon taux de gras : c'était un objectif louable pour moi et je me pensais au-dessus des troubles alimentaires. Pour moi, un trouble alimentaire voulait dire être le plus maigre possible. Mais moi, je n'étais pas maigre, j'étais en forme! « Let's go Cath, c'est un défi et tu es capable! »
Après plusieurs mois, mon cerveau a voulu replonger dans les montagnes russes : tout laisser tomber. Je me rappellerai toujours un soir où j’étais seule et j’ai mangé une boîte de barres tendres au complet, car je n’en pouvais plus. Après coup, j’avais tellement honte de moi que je suis allée purger tout ça. J’ai tellement pleuré. Ce manège a duré quelque temps. Quand je n’étais plus capable de mon plan alimentaire, je m'empiffrais de quelque chose avec des glucides et ensuite je l’expulsais de mon corps. J’avais vraiment honte de moi chaque fois. Un échec d’avoir flanché pour un aliment non sain.
Moi qui reluque une tranche de pain
Crédit : Cellophane
Mon copain m’a aidée à m’en sortir, car c’était devenu invivable. J’ai consulté un psy qui m’a aidée à comprendre pourquoi j’avais autant un besoin de contrôle sur mon corps et pourquoi je m'en imposais autant pour atteindre une forme de « perfection » au nom de la santé.
Ça m’a tellement aidée. J’ai pu essayer de me libérer de mes démons et d’arrêter d’être obsédée. J’ai vécu un automne à vivre exactement le contraire de mon trouble : je n’allais plus au gym, je ne faisais plus de sport, je mangeais n'importe quoi. Comprendre pourquoi est une chose, mais changer en est une autre. Après coup, je me rends compte que je n'étais pas vraiment guérie, parce que je ridais encore ma montagne russe sans avoir réussi à trouver l'équilibre.
C'était encore d'un extrême à l'autre.
Cette obsession de manger le plus sainement possible, de changer ma composition physique et de faire le plus de sport possible, je sais maintenant que c'est un beau mélange d'orthorexie et de bigorexie. S'en débarrasser est difficile, parce qu'on veut tous être dans la meilleure forme possible. Il est difficile de faire comprendre à quelqu'un qui le vit que cela n'est pas bon, du moins pour sa santé mentale. Ils appellent ça la maladie « santé », mais il faut se rappeler que c'est un trouble au même titre qu'un autre.
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