En 2014, Noorulann Shahid avait créé le hashtag #LifeOfaMuslimFeminist suivi du gazouillis : « Les féministes blanches veulent t’arracher ton hijab et te libérer et les musulmans te disent que tu n’as pas besoin du féminisme. » Un tweet qui en dit long sur l'état d'âme de ces jeunes femmes voilées qui, tout en étant pieuses, se disent féministes.
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En fait, lorsqu'elles affirment être voilées et féministes, elles font face à deux réactions : d'un côté, les musulmans qui clament qu'elles n'ont pas besoin du féminisme et de l'autre, les Occidentaux qui les somment de se sortir des griffes de l'Islam, pauvres femmes opprimées qu'elles sont.
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Ce qui m'a amenée à réfléchir…
– Le féminisme peut-il être islamique?
– Est-il possible de porter le hijab et être féministe?
– Ou au contraire est-ce deux concepts totalement incompatibles?
– En fait, pouvons-nous mêler la religion aux luttes féministes?
– L'un n'est-il pas un frein à l'avancement de l'autre?
Combattre de l'intérieur
Concrètement, le mouvement regroupe et unit des femmes ayant la même visée : s'approprier et réinterpréter les sources religieuses originelles (Coran) : « […] aux impensés de l’islam en appelant à un nouvel ijtihad, c’est-à-dire à un effort d’interprétation des sources et de l’histoire de l’islam. » Le mouvement ressemble à d'autres soulèvements féministes de type théologique tels que le féminisme chrétien ou judaïque qui, eux aussi, s'appuient sur une relecture des textes religieux pour affirmer l'égalité des sexes.
Il est faux de croire que c'est un phénomène marginal. On constate qu'il est présent aux États-Unis, en Afrique du Sud, en Europe, en Asie, au Maghreb, etc. Ces femmes se sont données comme mandat d'étudier le Coran, la tradition du Prophète et le droit musulman en se référant sur l'exégèse critique dans le but de modifier les rapports inégalitaires entre hommes et femmes : « Il est impératif que l’expérience, la pensée et la voix des femmes soient prises en compte dans l’interprétation du Coran et l’administration de la religion dans le monde musulman. »
La lecture exclusivement masculine des textes religieux serait, d'après le mouvement, la principale cause des mauvaises conditions et problématiques sociales qui touchent majoritairement les femmes : mariages forcés, la polygamie, la violence conjugale, l'inaccessibilité à l'éducation, etc.
La lutte féministe musulmane ne date pas d'hier. Déjà, au XIXe siècle, les femmes ont essayé de réinterpréter le Coran. Par ailleurs, selon la sociologue franco-iranienne Azadeh Kian, ledit mouvement aurait gagné en popularité après la révolution islamique en Iran vers la fin des années 1980 : « Le premier discours féministe islamique a émergé en Iran avec celles qui avaient participé à la révolution de 1979 et qui ont vu que leurs droits étaient en péril. » Ce n'est qu'autour des années 1990 que le néologisme « féminisme musulman » est né. Il évolue en parallèle avec la revue Zanan (femme), un média qui s'intéressait aux problématiques et aux questionnements féministes à l'intérieur du cadre religieux islamique.
Depuis les années 2000, le mouvement a pris un second souffle. Auparavant critiqué par la communauté et les autorités religieuses, il a maintenant le vent dans les voiles. Leurs interprétations qui étaient jadis vues d'un mauvais œil sont maintenant considérées par, entre autres, des islamologues. Un appui important.
Féminisme musulman, islamique ou occidental?
La notion même d'un féminisme musulman ou islamique pose problème. Elle serait ambiguë. Certaines voient dans l'expression une dichotomie qui nuirait à la crédibilité du mouvement et refusent que cette lutte se fasse en dehors d'un cadre laïc, craignant une instrumentalisation du concept par les intégristes islamistes. D'autres rejettent carrément l'étiquette « féministe », trouvant qu'elle fait référence à une définition dite occidentale et préfèrent qu'on les qualifie de mu'minat (croyantes).
Le consensus est difficile à trouver autant dans la dénomination du mouvement que dans sa pratique. Cependant, Asma Lamrabet, auteure et médecin, connue pour son apport aux luttes féministes aux côtés d'associations diverses, dont le GIERFI (elle a été nommée présidente du GRIEFI en 2008), croit que l'important reste dans cette dénonciation de l'inégalité des sexes : « De la même manière qu’il existe plusieurs courants féministes dans les pays occidentaux, elles ne sont pas toujours d’accord. Mais ce sont toutes des militantes des droits des femmes. »
Amen.
Que pensez-vous du féminisme musulman?