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L’année suivante.
Crédit: Éliane Jolicoeur

On m’a dit tellement de choses.

On m’a dit que la douleur s’atténuerait avec le temps.
On m’a dit que j’allais penser à elle comme un doux souvenir.
On m’a dit qu’elle veillait sur moi désormais.
Que j’étais forte.

Mais non. Je ne suis pas forte. Je suis en mode survie.

Un peu plus d’un an s’est écoulé. Je n’ai pas gagné grand-chose, selon ce que je ressens. Ça fait toujours aussi mal. De façon violente. Mais moins souvent, moins poignant. Ça coupe un peu moins le souffle et les repères.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai souvent comparé ma mère à la nature, depuis un an. Trouvez une signification spirituelle si ça vous tente, je ne suis pas vraiment croyante. Mais des fois, je me dis qu’elle arrange un peu mieux les situations. Qu’elle intervient, un peu, à peine. Le nuage qui laisse percer le soleil, je lui attribue. Le beau temps quand on a planifié quelque chose, c’est parce qu’elle a mis de la pression à quelqu'un quelque part.

Je ne sais pas. Des fois, je me trouve toute seule en crisse, même si j’ai le meilleur entourage du monde entier, même si des piliers incroyables se dressent autour de moi et m'empêchent de sombrer.

Ça fait un an. Un round de toutes les fêtes qu’elle ne verra plus. Son absence est cruelle, terrible, horrifiante. Le vide est creux, creux, creux.

On est allés à l’autre bout du monde pour voir avec ses yeux à elle ce qu’elle a le plus aimé sur Terre comme endroit. On a vu. On a ressenti. On s’est liés à l’endroit, à la terre, à nous. On est revenus, mais une partie de ma famille, de moi, est restée là-bas. Elle est enterrée au fond de l’eau. J’ai gravé sur ma peau le moyen de retrouver ce morceau symbolique, futile, qui me rattache à elle de façon permanente.

On m’a raconté tellement de choses, mais ça, c’était la plus belle, avec ce voyage. Ça a été écrit par ma tante :

« Ta mère est partie sans appel. Aussi sans agonie, sans déni, sans laideur. Dans toute sa splendeur. Mais sans nous laisser la moindre chance de négocier, sans nous laisser le temps d'apprivoiser son départ. Nous confrontant à notre impuissance.  Non, nous n'avons rien vu venir.  Nous n'avions rien compris. Nous n'avons pas voulu imaginer qu'il n'y aurait peut-être pas de lendemain.

Le seul salut possible face à cette fatalité c'est celle de mettre au monde. De donner vie. À un enfant. À un projet. À de l'amour. À de la beauté. Alors tout peut retrouver un sens. Pour que rien ne disparaisse.

Parce que c'est un cycle.

Parce que rien ne se perd ni ne se crée. 

Chacune de nos molécules est éternelle, mais leur amalgame se modifie sans cesse et nous ne sommes ce que nous sommes que la fraction d'un instant, que le temps d'amorcer une respiration. À la suivante, nous sommes déjà autres.

Des milliards de molécules toujours changeantes, qui ont fait ta mère; des milliards de molécules qui ont transité en elle et t'ont créée.

Elle n'est pas disparue, elle a seulement terminé son passage. Nous donnant ce qu'elle avait de plus beau. Ses morceaux d'elle, ses filles, son magnifique sourire et toute cette lumière. »
 
Le texte en entier est ici. Et il me fait tellement pleurer chaque fois, il fait tellement de bien. J’aime l’idée des molécules changeantes. On vit à travers l’autre, un peu. L'amour reste.

C’est beau.

Et ça va aller.

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