« Madame, vous avez quel âge? » ou le drame vestimentaire de la jeune prof (et des petits outfits pour dealer avec)!
Aurélie CoutureJ’allais avoir 23 ans quand j’ai donné mon premier cours au cégep. Je pense que ça s’est bien passé, mais je ne peux rien garantir. Entre le moment où je me suis dit que j’allais vomir en prenant les présences et celui où je suis sortie du local avec le dessous de bras très mouillé, je ne me souviens de rien.
De rien sauf de la question posée par une étudiante : « Madame, vous avez quel âge ? ».
Cette question, je l’ai entendue sans arrêt pendant 4 ans. Tout le monde me la posait (et pas toujours en me vouvoyant). Mes élèves. Les profs des autres départements. Les responsables des services éducatifs. Le personnel de la cafétéria. Tout. Le. Monde. Personne ne semblait croire que j'avais l'âge requis pour pratiquer ma profession. On m'a même parlé bête, une fois, parce que j’étais dans la salle de photocopie « et que c'était un endroit réservé aux membres du personnel ».
Quand j’ai recommencé à enseigner, l’an dernier, je me suis dit que c’était assez. Je venais d’avoir 30 ans et ça ne me tentait pas de rester stallée au même jeune âge pour le reste de mes jours, comme Peter Pan ou les personnages de Watatatow. J’ai donc dépensé à l’avance mes deux premières paies acheté quelques morceaux pour me composer des kits de grande personne.
L'outfit du premier cours
Les vêtements de la première impression doivent inspirer le respect et, en même temps, murmurer : « Salut, je vais vous réciter des extraits de tragédies sans regarder mes papiers et vous donner le goût de vous lever sur votre bureau en citant Voltaire. » C'est préférable, aussi, qu'ils respirent bien et qu'ils soient à l'épreuve des ronds de sueur générés par le stress.
Le look de la semaine 4
Les étudiants commencent à savoir comment ça marche. C'est le moment de laisser tomber les barrières; de dévoiler, par exemple, un coin de tatouage sous une manche roulée. Wild.
Le petit kit de correction
C'est le milieu ou (pire) les trois quarts de la session. Sur le bureau : trop de copies de qualité variable. Épinglé au mur : un calendrier où s'enlignent encore beaucoup de lundis. Pour le lendemain matin : un cours sur Victor Hugo pas monté. Au plus profond de soi : le désir de se saisir d'un pyjama et de se recroqueviller sur le divan en écoutant des vieux Friends. En guise de compromis : la possibilité de se mettre en mou au vu et au su de tous et d'avoir l'air lady quand même.
L'ensemble de fin de session
Tout le monde est verdâtre, les étudiants ont des cernes jusqu'à la moitié des joues, un nombre croissant de gens se promènent en joggings gris dans les corridors : ça sent (parfois littéralement) la fin. C'est l'heure de libérer la fantaisie, sans pour autant laisser oublier que le crayon rouge tombera tel un couperet sanglant sur les dernières rédactions.
Comment montez-vous vos kits de bureau? Avez-vous déjà dû négocier avec votre âge?