J'ai de la misère avec la fin des choses. C'est rien de nouveau, ça doit être un cas classique de peur de la mort, de manque de contrôle sur le temps qui file, de yolo urges pis de phobie des regrets. Ça me rend douloureusement consciente de chaque seconde qui passe pis qui ne reviendra jamais. Je suis vraiment du genre à me ruiner une expérience awesome en angoissant parce qu'elle va finir. C'est un défaut, on s'entend. Un mauvais réflexe de mon cerveau un peu hyperactif que je tente de pas laisser prendre trop de place. Ça se passe plus ou moins bien, ça dépend des jours.
Bref, j'ai la remise en question et les questionnements existentiels faciles, ce qui gosse parce que je sais ben qu'on meurt à la fin et qu'on n'a pas de réelle importance; malgré tout, la nature nous a faits de façon à ce qu'on se pose plein questions auxquelles on pourra jamais répondre. L'ultime cockblock.
Vous imaginerez donc facilement que le fait de pogner la trentaine (en fait, il est onze heures et vingt, la veille de ma fête, et je risque donc d'avoir trente ans mid-rédaction, omg) me fait sur-réfléchir à plein d'affaires, de la vie à la mort en passant par tous les sujets de base qu'on aime prétendre nous préoccupent quand on est au cégep mais qui ne nous assaillent vraiment que beaucoup plus tard.
Dans une longue série de constats un peu déprimants pis de réévaluations de ma vie, je me suis mise à réfléchir cette semaine au fait que j'allais avoir trente ans sans jamais avoir été une hot jeune fille dans la vingtaine.
Je m'explique. Je sais qu'on peut être beau à tout âge et tout poids, que c'est l'intérieur qui compte, blablabla, je suis pas malheureuse, pas complexée, grateful et chanceuse, sincèrement. Je suis vraiment fière de ma vie, bien entourée, j'aime qui je suis. Que ce soit bien clair, ceci n'est pas un texte de chignage boo hoo mais bien une réflexion sur quelque chose d'indéniable qui me fait me questionner une fois de plus sur le monde dans lequel on vit.
Je suis grosse, guys, j'aurais dû le mentionner avant. Je l'ai toujours été. Je suis cute pareil, ça m'a jamais empêché de fourrer, j'échangerais de place avec personne. Mais j'aurai jamais été une hot 20-something au sens mainstream du terme. J'aurai jamais fièrement strutté mon stuff en bikini, j'aurai jamais porté de mini-jupe, j'aurai jamais pu obtenir des choses simplement en me penchant pour ramasser un crayon. J'avouerai aussi que je ne me fais pas constamment emmerder dans la rue (quoique les creeps sont pas très regardants) et que je n'ai jamais vraiment rencontré de gens qui me voulaient juste pour mon enveloppe. Tout a ses avantages, j'imagine.
Pis maintenant que je change de décennie, ça m'a frappée : je vais officiellement crever sans jamais avoir connu ça. Ça va juste pas m'arriver jamais. C'est vrai d'une multitude de choses, vous me direz, pis vous aurez raison. Je pense à chacune de ces choses-là beaucoup trop souvent. Mais celle-ci, elle est différente. Elle vient pas de moi. Elle vient de l'extérieur, de là où naissent toutes nos angoisses au sujet de choses qui ne devraient pas vraiment avoir d'importance mais qui en ont crissement beaucoup.
À défaut d'être le but ultime de la vie, pour autant qu'on ne soit pas un être vide avec des valeurs de marde, être une hot fille dans la vingtaine est l'image la plus courante qu'on a d'être une femme. Celle qui a le plus d'exposure, qui est la plus valorisée, comme si c'était notre seul vrai moment pour briller et etre apréciées.
Soyez outrés si vous voulez, mais on se mentira pas : la société ne fait ni l'apologie des petites grosses pleines de personnalité ni celle des femmes d'âge mature super fucking accomplies professionnellement. Pis parce qu'on est caves de même, on évalue un peu sa vie en fonction des annonces de yogourt, pis c'est être une hot 20-something qui semble être la conception la plus répandue de la femme. C'est pas cool du tout, mais c'est ça pareil.
J'peux rien faire, tsé, pour ça. À ce point-ci j'aurai trente ans dans onze minutes pis j'ai pas perdu 100 livres spontanément. C'est pas à propos d'être amère, jalouse ou angoissée, même. C'est à propos du feeling d'avoir passé en quelque sorte à côté de ma vie, d'avoir jamais vraiment été « une fille », d'avoir réellement manqué quelque chose. D'avoir jamais pu profiter du pouvoir infini qui vient avec un petit cul pis des belle cuisses minces. D'avoir jamais vraiment eu l'embarras du choix. D'avoir toujours dû travailler plus fort et me prouver autrement dans cet océan de crétins et de concern trolls aux idées préconçues.
Traitez-moi de superficielle si ça vous tente, mais la réalité reste que depuis que je suis née, à la télé, dans les magazines, dans les films, name it, on nous montre que la meilleure façon d'être une femme c'est d'être mince, jeune et jolie.
Pis j'aurai jamais été les trois en même temps. J'aurai jamais été un canon dans la vingtaine pis là, dans six minutes, il sera trop tard.
Je sais que la vie c'est beaucoup plus que ça mais tsé, c'est comme si j'avais jamais fait de roadtrip, jamais frenché sous la pluie, jamais dansé un slow avec pas de musique sauf deux battements de coeur. Tu peux vivre sans, mais c'est le genre de choses qui te frappe en pleine gueule quand tu réalises que t'avais une shot, une seule, pis que tu pourras pas tout faire. Pis qu'une quantité terrifiante de micro-deuils t'attend.
Le pire dans tout ça, c'est que plus le temps passe, plus le temps presse. Il est d'ailleurs 23:59, c'est même pas une joke. Fucking poétique.
On meurt à la fin, guys. Je sais pas si je vais un jour réussir à faire la paix avec ça.
Anyway, c'est le temps de laisser ça derrière pis de faire de mon mieux avec ce que j'ai encore devant moi. Souhaitez-moi bonne chance, pis souhaitez-moi donc bonne fête pendant que vous y êtes 🙂