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J’avais 14 ans et j’ai décidé de ne pas cacher mes cicatrices
Crédit: Unsplash

Il y a bientôt 6 ans, alors que je venais de terminer ma première secondaire, j'ai fait la découverte d'une manière très efficace, quoique malsaine, de gérer mes émotions : j'ai commencé à m'automutiler.

Au début, c'était discret : de très petites marques rouges qui disparaissaient après quelques heures, laissant ainsi mes bras intacts, comme si elles n'avaient jamais existé. Sauf qu'elles avaient existé ; ma douleur avait existé. Ainsi, comme ma souffrance, les lacérations sont devenues de plus en plus profondes et ont laissé des cicatrices bien visibles.

Eh oui, mes bras sont maintenant maculés des nuits où je pensais que tout était de ma faute, des moments de panique et de crise où l'émotion prenait le dessus et que j'avais l'impression de perdre le contrôle. Chaque cicatrice a son histoire à elle, certaines partagent la même, et elles sont toujours sur mon corps pour en témoigner. 

L’été suivant mon secondaire 2, j'ai été pour la première fois confrontée à un dilemme énorme : allais-je porter des chandails à manches courtes et des camisoles comme si de rien était? Je me posais plein de questions. Était-ce normal de se promener les bras lacérés? Est-ce que les gens allaient avoir peur? 

Ne sachant trop que faire, je suis allée sur Internet et j'ai lu, j'ai beaucoup lu. Certaines personnes, honteuses, étaient catégoriques : jamais personne n'allait apercevoir ne serait-ce qu'une infime parcelle de leurs cicatrices, quitte à porter des chandails à manches longues toute l'année. D'autres, au contraire, préféraient faire comme si elles n'avaient jamais eu ces marques et au pire, qu'elles disaient, elles répondraient aux quelques questions indiscrètes qu'elles se feraient poser. 

Alors j'ai compris : c'était un choix tout à fait libre et personnel. Bien que je comprenais la gêne vécue par celleux qui cachaient leurs membres blessés, j'admirais les autres, qui avaient décidé d'assumer leur passé. J'ai choisi de faire comme ces derniers/dernières. 

Ainsi, je n'ai jamais plus porté de chandails à manches longues ou de veste dans le but de cacher mes cicatrices : elles faisaient partie de moi et c'était correct comme ça. 

Aujourd'hui encore, je refuse de laisser mon passé décider de ce que je vais porter. Si l'envie me prend de mettre un chandail à manches courtes l'hiver, alors je le fais. Quand une occasion spéciale se présente, notamment mon bal des finissants, je porte la robe qui me fait le plus envie et ce, même si cela nécessite que mes bras soient découverts.

En fait, je ne vois même pas mes cicatrices. Elles font tellement partie de moi que je ne les remarque plus. Quand quelqu'un ose me poser la question : « Qu'est-ce que t'as sur les bras? », je me surprends même à me demander, l'espace de quelques secondes, de quoi la personne parle. Ensuite, je réponds seulement que je me suis automutilée parce que je vis beaucoup de choses difficiles depuis quelques années, puis rares sont les gens qui continuent à poser des questions après cela. 

Récemment, j'ai repensé à tout cela (l'automutilation, mon choix de ne pas cacher mes cicatrices, la banalité qu'elles sont devenues à mes yeux, etc.) et en suis venue la conclusion qui suit : sans même le savoir, il y a 5 ans, j'ai fait mon premier pas vers l'acceptation de mon corps à laquelle j'aspire encore à ce jour. 

Alors aujourd'hui, je lève mon chapeau à la Anna de 14 ans qui décide de se promener les bras libres de honte. Je la félicite, du haut de ses brèves expériences avec la maladie mentale et les enjeux qui y sont liés, de se tenir debout, même sans le savoir, face à la stigmatisation et aux jugements que vivent beaucoup plus de personnes que l'on pense. Je l'acclame et avec les années de recul, je la trouve tellement belle. 

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