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L’aide médicale à mourir : apprivoiser la mort et le deuil
Crédit: Pixabay

Ça y est. Elle est partie. Comme ça, en quelques minutes à peine. Couchée sur son lit d’hôpital, l’air serein, mais sans doute très effrayée. Quand le médecin lui a injecté la dose de médicament, nous avons tous retenu notre souffle. Le médecin aussi. Les larmes se sont mises à couler sur ses joues ; sur les nôtres également. C’était le dernier instant de tatie, 66 ans et des poussières.

Quelques mois plus tôt, tatie apprenait que son cancer était de retour. Violent, abrasif, il avait repris contrôle de son corps. Entre les consultations médicales, les examens et les trop nombreux formulaires, le doute s’installait peu à peu dans son esprit et dans le nôtre aussi. Comment une maladie, pourtant disparue, a pu réapparaître aussi rapidement et brusquement? Comment pouvait-on en être à penser aux derniers recours?

L’annonce de la maladie a toujours l’effet d’un coup de poing au visage. Elle confirme la douleur, fait naître la peur. Il y a quelques mois, on a dit à tatie que la maladie était revenue. Puis, quelques semaines plus tard, on lui a annoncé qu’il n’y avait malheureusement rien à faire. Trop rapide, trop fort, trop intense ; le cancer avait gagné. Mais tatie n’avait pas dit son dernier mot.

Elle a décidé qu’elle choisirait elle-même le jour et l’heure de sa mort. Elle a choisi qui serait présent, comment tout cela se ferait. Parce que c’était une femme de tête ; fonceuse, elle a toujours pris les rênes de grands projets. C’était là le dernier projet qu’elle dirigerait.

Quand nous sommes arrivés à l’hôpital, ce jour-là, nous étions à la fois ébranlés et effrayés. Mais nous nous sentions choyés d’être là. Parce que tatie voulait que nous l’accompagnions dans cette traversée difficile. Nous avons bu et mangé avec elle. Elle aimait la fête ; elle a voulu que nous en célébrions une dernière avec elle. Et elle nous a fait rire. On s’est remémoré des souvenirs, on a échangé des regards plus que précieux.

La beauté, dans tout ça, c’est que tatie a pu choisir de mourir dignement, sans trop de souffrance et en étant entourée des gens qu’elle aimait et qui l’aiment encore. On dit souvent que la plus belle mort est celle qui arrive doucement dans le sommeil. Celle-ci s’y apparentait. Elle a été enveloppée d’amour.

Pour ceux qui restent, cette mort a aussi quelque chose de réparateur. La tristesse a beau être immense, on sait que notre tante ne souffre plus. On sait aussi qu’elle a vécu ses derniers instants comme elle le souhait, ce qui est plutôt rare. Le deuil, donc, avait commencé dès l’annonce de la date. On a pleuré beaucoup avant, pendant et après. Le deuil s’est amorcé alors que tatie était encore parmi nous. Nous étions donc préparés, en quelque sorte. Ce n’est pas plus facile, mais ça surprend moins, le choc est moins grand.

C’est une expérience très spéciale que d’assister à la mort de quelqu’un, peu importe les circonstances. Je vous dirais que c’est d’autant plus particulier de rire et de serrer quelqu’un qu’on aime dans nos bras jusqu’à ce que cette même personne s’étende, lentement, et attende qu’on lui injecte la mort tranquillement.

Le personnel médical a été doux, compréhensif et attentif. Si tatie n’a pas eu la retraite dont elle rêvait, elle aura eu droit à la fin de vie la plus douce qui soit. Et elle aura à jamais gravé dans notre mémoire, le souvenir d’une femme forte, courageuse, souriante et aimante. Avant de partir, elle a tenu à nous rappeler qu’il faut profiter de chaque instant, de chaque petit bonheur que la vie met sur notre route, parce qu’on ne sait jamais quand tout basculera. Nous avons eu la chance de lui dire combien nous l’aimons. Et elle a pris soin de nous rappeler de toujours nous aimer, quand même, comme le chantait Yvon Deschamps.

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