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Juste une fille médium

Une fois par semaine, je me fais demander si je suis enceinte à nouveau. 

Je croyais que le fait de changer ma couleur de cheveux allait me différencier de ma jumelle. Je croyais aussi, à tort, que le fait d’avoir une petite bedaine était un fait établi depuis des années déjà. Mais non, on cesse de me rappeler que je ne fit pas dans les standards, chaque semaine. 

C’est con parce que je sais que je m’aime comme ça. Je sais comment m’habiller pour me sentir bien dans mon corps. Je me criss bien de savoir quelle est la taille sur l’étiquette de ce que je porte. Ça me fait bien, fine

Je ne suis pas arrivée un jour dans le domaine de l’acceptation de soi en me disant fuck le monde, fuck le reste. J’ai appris à travers les années à réfléchir à des enjeux, à prendre conscience du poids des mots, des miens et de ceux des autres. J’ai réfléchi à ce que ça me faisait à moi d’être dans mon corps et de vivre dans un monde qui demande à ce qu’on porte du small et du x-small alors que je porte un médium large. 

C’est pas tous les jours que je me trouve belle, comme n’importe qui. Des fois, je suis contente de porter des lunettes tellement je suis cernée, fatiguée tant je ne dors jamais. Des fois, quand je suis menstruée et que je suis vraiment gonflée, je me demande : « C’est quoi le problème avec mon corps ? C’est quoi le fuck que mes pantalons me fassent pas cette semaine? ». Puis, je me rappelle que je suis de même, je gonfle vraiment pendant mes menstruations. C’est tout pis, pas grave. J’ai la chance de mettre ce que je veux au travail, je pense aux côtés positifs.

Reste que, c’est pas facile d’être médium. La pression vient de tous les bords. C’est comme si je n’étais jamais assez grosse ou mince. Mais la société, les magazines et tout le kit ne cessent de me rappeler que je fit nulle part, sauf chez moi, dans mes affaires. 

À chaque fois que je vois une photo de moi, je me dis : « j’aurais dû rentrer mon ventre ». Et puis au fond, je me dis « je m’en fous ». C’est vraiment gossant  car je sais que si je me dis ça, c’est  uniquement à cause des commentaires que je vais avoir sur ma bedaine. Parce que sans ça, je m'en foutrais dont ben! 

Ça me fâche parce que je me dis que peu importe tous  les efforts mis en œuvre pour mettre  en avant des corps différents, ça ne fonctionne pas. Les médias continuent de gosser, de commenter le poids d’autres pendant que j’ai l’impression de crisser des coups d’épée dans l’eau quand j’essaye de convaincre les femmes de mon entourage qu’elles sont ben correctes. 

Ça me fâche parce que j’ai mis 10 ans pour en arriver à ce cheminement-là. Je vois tellement de femmes plus vieilles que moi qui ne s’aiment tellement pas et qui ne comprennent pas comment leur corps est un canevas. Il ne reste juste qu’à l’agrémenter, le parer si elles le veulent. Pis elles devraient être en mesure d’inspirer les plus jeunes et de leur montrer qu’il faut s’aimer.

Ça me fâche parce que j’ai l’impression de me battre avec une bande de lâcheurs qui y croient seulement parce que c’est la mode. Le genre de personnes qui comme par hasard, ont pour couleur préférée la couleur Pantone de l’année. Ils sont censés être mes alliés dans cette lutte pour avoir le droit de s’aimer même si ce n’est pas ce que veut la société. 

Ça me fâche parce que j’ai l’air d’un extraterrestre quand je dis que je ne sais pas combien je pèse, quelle est ma taille de vêtement et surtout parce que je me trouve belle quand même. Chaque fois que je me regarde nue, je suis ok et en paix avec l’image que j’ai. 

Je sais plus qui m’a dit (ou si c’est moi qui me le suis dit en premier)… mais, j’ai juste un corps dans la vie. Si je n’apprends pas à l’aimer maintenant, y a rien ni personne qui va le faire pour moi. C’est comme mon vaisseau, genre. Si je n’aime pas mon vaisseau, il ne se passera rien de positif. Vous pouvez haïr votre char et le changer, mais votre corps, vous devez apprendre à l’aimer car vous n’en aurez pas d'autre. 

Fait que, peu importe ce que vous voulez me faire croire, je suis une fille médium (large) et je m’aime, je me trouve belle et je suis bien. Et je suis fière de le dire. 

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